Un constat
Au fil des années le marché du cycle devient de plus en plus pointu et performant : cadres carbones profilés, roues à disques, accessoires extra-light et aérodynamiques… Parallèlement à cela les techniques d’entrainement ont elles aussi beaucoup évoluée. Les cardio fréquencemètres longtemps considérés comme l’outil adéquate pour s’entraîner ont maintenant un battement de retard. Les capteurs de puissances se sont imposés comme la nouvelles références en entrainement. Apparu il y a plus de 20 ans, les données collectées et analysées ont permis de mieux comprendre la physiologie humaine et ont fait évoluer les méthodes d’entrainements dans la progression ainsi que la gestion des charges ( plus de qualité, moins de quantité). Ils permettent de travailler plus juste par rapport à son propre profil énergétique, de mieux se gérer tout au long de la saison par rapport à un entraînement plus traditionnel. C’est un outil d’une précision et d’une efficacité redoutable, qui a conquis le monde professionnel du vélo et qui se démocratise avec la baisse des prix dans les pelotons amateurs et cyclosportifs. Il est aujourd’hui difficile d’envisager une bonne gestion, planification de sa saison sans cet outil.
SRM Shimano
POWERTAP G3
Pédales Assioma DUO
Un peu d’histoire.
Le premier capteur de puissance voit le jour en 1986 en Allemagne, il s’agit du SRM. Cet appareil de mesure, créé par l’ingénieur Ulrich Schoberer, est progressivement intégré dans les grandes équipes professionnelles qui comprennent vite l’utilité d’un tel appareil pour la préparation de leurs coureurs. Unique sur le marché pendant de nombreuses années, le SRM voit la concurrence s’accroître depuis quelques temps avec l’apparition de plusieurs capteurs de puissance : Powertap, Power2max,Quarq Q, Vector, Stages… La fiabilité et la précision de certain capteur sont néanmoins extrêmement variables comme le montre notre récapitulatif 2017.
SRM Training System
C’est un pédalier spécifique qui permet de déterminer la puissance développée par l’intermédiaire de jauges de contraintes qui mesurent la déformation des plateaux et manivelles. Il se monte à la place du pédalier traditionnel. Il existe de nombreux modèles (pédalier classique, compact, piste, vtt) allant de 1650 à 2300 euros. C’est toujours le SEUL système de mesure qui permet de mesurer au watt prêt sa condition, si chaque watt compte pour le coureur, il n’y a toujours pas d’autres alternatives.
Powertap G3/GS
C’est un moyeu arrière muni de 8 jauges de contraintes qui permettent de déterminer le couple de forces s’appliquant sur la roue, et par conséquent la puissance développée. 2 modèles sont disponibles. La précision de +/- 1,5% est identique seul le poids et l’implantation des trous du moyeu changent. Il faut donc ensuite le monter sur une jante. Les prix sont de 425 euros.
Assioma DUO
Capteur de puissance intégré dans les pédales.
En intégrant l’émetteur dans les pédales, Favero a simplifié la technologie : aucun angle d’installation et aucune calibration ne sont nécessaires. L’installation est rapide et le transfert d’un vélo à un autre simplifié. La mesure indépendante droite/gauche permet d’obtenir plus de données pour pousser l’analyse de la technique de pédalage et de l’entraînement. La précision de +/- 1% avec le nouveau système IAV power est redoutable de précision en toutes circonstances comme le prouve notre test terrain longue durée. C’est pour nous les meilleures pédales capteur de puissance du marché. Prix de 700 euros.
Les bases
Revenons sur l’utilité même de ce matériel: un capteur de puissance à quoi ça sert ?
C’est le moyen d’objectiver la performance – le capteur mesure la PUISSANCE : le témoin externe de la performance, qui correspond à l’énergie mécanique produite par le coureur pour se propulser. La puissance est une valeur mesurée, immédiate, sans délai et non influencée par des facteurs extérieurs, elle constitue une valeur de référence individuelle.
PUISSANCE (en Watt ) = COUPLE ( en N.m ) x VITESSE de ROTATION ( en Rad/s )
en vulgarisant : Puissance = Force x Vélocité.
Le travail quotidien avec un capteur de puissance permet de dresser le profil physiologique du coureur. Pour une durée d’effort déterminée correspond une valeur de puissance maximale que le coureur est capable de développer. Le profil physiologique constitue une véritable signature du potentiel physique du coureur. Cela permet d’optimiser le suivi individuel du sportif quotidiennement et à long terme (lute contre le dopage possible).
A l’entraînement le coureur, va pouvoir visualiser très précisément les zones d’intensité dans lesquelles il travaille. Il optimise alors le travail qualitatif en s’entraînant mieux avec la même quantité de travail. L’enregistrement et l’analyse post séance permettent un suivi personnalisé et adapté aux objectifs – le couple entraîneur- entraîné peut alors parfaitement quantifier et ajuster au jour le jour les charges de travail afin d’optimiser la performance.
Conjugué aux sensations ressenties, le capteur indique au coureur à quel niveau d’intensité, comparé à ses capacités maximum, il produit son effort.
Le coureur est informé de son « régime moteur », ce qui lui permet de gérer au mieux l’effort et d’éviter les efforts parasites ou la zone rouge.
La visualisation de la puissance permet d’optimiser la gestion de son effort et le rendement (position, cadence, braquet …) durant des efforts très variable( contre la montre, monté de col, séries de PMA)..Il peut ainsi maximiser son temps de soutient de l’effort en évitant, comme trop souvent constaté, de partir trop fort.
Zones d’entrainement Home Trainer et route
Comment connaître alors les différentes valeurs de puissance correspondant aux filières énergétiques à entraîner en cyclisme? Premièrement, l’athlète va avoir la possibilité de s’auto évaluer grâce à des tests effectués sur home-trainer ou bien directement sur ses routes d’entraînement. Toute une batterie est réalisable à l’aide du capteur de puissance : force-vitesse, tolérances aux lactates, PMA, seuil 20 min… Ces tests vont donc permettre à l’athlète de déterminer ses zones d’intensité afin de pouvoir ensuite suivre des séances d’entraînement spécifiques avec d’avantage de précisions. Nous allons nous arrêter sur un test permettant d’avoir une bonne estimation des possibilités de l’athlète. Il s’agit du protocole de Puissance Maximale Aérobie utilisé par la FFC. La méthode est la suivante et plutôt simple sur home trainer:
L’échauffement faisant partie du test, l’athlète débute le test à 100 watts et augmente la puissance de 30 watts toutes les 2 min en gardant une cadence de pédalage libre. Le test se termine lorsque l’athlète ne peut plus passer au palier suivant. Par exemple un sujet termine son test en tenant 60 sec sur un dernier palier à 400 W. Son précèdent palier maintenu pendant 2 min a été de 370 W. Sa PMA sera de 370 w. En effet on ne compte pas le dernier palier appelé souvent PMT ou puissance maxi tolérable. Cette dernière est tenue grâce à la capacité anaérobie lactique de la personne. La PMA correspondant à sa VO2max ( utilisation maxi aérobie) et est donc au palier d’avant.
Un autre test sur le terrain réalisé sur 4 à 5 min à fond peut donner une valeur intéressante de PMA. On va certainement constaté des écarts entre la valeur route et home trainer. En effet il est plus simple de produire du rendement musculaire sur route. Pour une même VO2max ,on peut trouver des valeurs assez différentes de PMA route Vs HT ( 30 watts). Il peut donc être intéressant d’avoir les 2 tests pour calibrer au mieux ses zones suivant que l’on est sur home trainer ou route. Voir notre blog pour plus de détails ici.
Les zones d’entrainement sont déterminées en fonction du profil de puissance de la personne. Pour cela plusieurs tests sont réalisés ( force x vitesse, PMA, puissance 20 à 30 min ) pour obtenir la signature énergétique propre à chacun.
Les zones d’intensités ainsi que toute la gestion de la saison sont gérées avec le nouveau logiciel WKO4 et les ilevels.
Ilevels 1 = décontraction, récupération, conversation très aisée, durée possible >6h.
Ilevels 2 = endurance fondamentale, conversation aisée, durée possible 2-6h.
Ilevels 3 = tempo, légères douleurs musculaires, conversation avec augmentation ventilation mais contrôlable, durée possible 1-2 heures.
Ilevels 4a = sweet spot, conversation devient pénible, douleurs musculaires augmentant progressivement, seuil des lactates stable ( sous SV2) , durée possible : 45 à 90 min.
Ilevels 4= FTP : conversation devient difficile, douleurs musculaires augmentant progressivement et plus rapidement, seuil lactate dérivant de moins de 1 mmol durant les 20 dernières minutes, durée possible 30 à 60 min.
Ilevels 5: FTP/FRC = proche de VO2max, effort d’une poursuite sur piste, douleurs musculaires augmentant très vite, conversation très hachée, durée possible 5-à 15 min.
Ilevels 6 = FRC: effort intense entre 30 s et 2 min de tolérance aux lactates, anaérobie lactique, douleurs extrêmes, conversation impossible, hyperventilation à la fin.
Ilevels 7a/7 = FRC/Pmax: sprint maximal sur 7 à 20 sec, force-vitesse, anaérobie alactique, pas de douleur pendant l’effort, picotement et hyperventilation sur la fin, conversation impossible.
Retrouver les concepts dans le détail sur le blog ici.
Remarque par rapport aux zones d’efforts, ressenti et watts: il ne faut pas devenir non plus esclave des chiffres et de son capteur de puissance ! Comme on peut le voir une zone d’intensité peut s’étendre sur 40 watts! L’important est de se servir du capteur pour mieux se connaitre et identifier ses zones. On ne peut pas toujours s’entraîner au watt prêt. C’est impossible pour l’athlète mais aussi pour l’entraineur de donner la consigne exacte et heureusement ! Le corps humain n’est pas une machine on/off, personne n’a la science infuse, la forme fluctue. Par exemple une séance de rythme à I3 qui passe bien à 300 watts un jour peut être difficile à 290 watts une autre fois. L’erreur serait d’arrêter la séance parce qu’on ne tient pas les 300 watts alors qu’au niveau adaptation il s’en passera pratiquement autant à 290 watts ( voir d’avantage si la séance est tenue jusqu’au bout ! ) Sans le capteur, l’athlète serait dans les 2 cas sur un ressenti I3 tempo de toute façon, c’est très difficile de sentir une différence sur 10 watts. Par contre sur un contre la montre où un effort extrême et à la limite de ses possibilités, 10 watts peuvent faire toute la différence entre la zone d’équilibre et la zone de sur régime, on apprécie alors le capteur pour partir immédiatement à la bonne intensité.
Comparaison FC/watts
A la lecture de ces résultats, il devient évident de comprendre tout l’intérêt du capteur de puissance. Par exemple, pour un travail de préparation pour acquérir de la PMA, l’athlète pourra ajuster en permanence son pédalage afin de rester toujours dans la bonne zone de puissance. Il s’adaptera facilement et rapidement aux variations du terrain, de la météo (vent), de sa forme (fatigue s’installant) et en n’utilisant plus la fréquence cardiaque.
En effet l’inconvénient majeur de l’utilisation de la fréquence cardiaque comme indicateur de l’intensité de l’effort reste sa fiabilité et son inertie. La fréquence cardiaque (FC) a tendance à fluctuer en fonction de différents paramètres. La chaleur, l’altitude ou la déshydratation vont créer une augmentation du débit cardiaque tandis que le froid et la fatigue sont les causes d’une baisse de la fréquence cardiaque. A partir de là, il est difficile de suivre un programme d’entraînement dans lequel les séances proposées sont basées sur des zones d’intensités précises, puisque les battements cardiaques d’un même individu peuvent varier d’un jour à l’autre, d’un mois sur l’autres. Il peut y avoir 10 à 15 pulsations d’écart entre un début de saison, où l’athlète est encore frais, et une fin de saison où la fatigue est installée.Il peut aussi y avoir 15 pulsations d’écart entre un début et la fin d’une séance PMA à puissance constante juste par dérive, réponse lente de la Fc à l’effort court.
Les données du cardiofréquencemètre ne sont pas significatives lors d’efforts violents (sprint, courte accélération, série PMA). En effet, la fréquence cardiaque indiquée à la suite d’un départ arrêté sur 10 secondes ne dépassera jamais la FC à PMA alors que l’intensité de l’effort est près de 2,5 fois supérieure. De plus, lors de changements de rythme, la FC met également un certain temps avant de refléter réellement la valeur de l’effort, il y a toujours quelques précieuses et longues secondes de latence.
Au contraire, le capteur de puissance va donner une valeur directe de l’intensité. Le cycliste arrête de pédaler, la puissance est nulle, il accélère brutalement et les valeurs remontent immédiatement. La puissance exprimée a également l’avantage de ne pas varier en fonction de paramètres extérieurs. Les données instantanées ne seront jamais altérées par des facteurs psychologiques comme le stress engendrant, des montées d’adrénalines et des hausses de FC.
La courbe ci-dessous représente une séance d’entraînement d’un cycle de développement de la PMA comprenant 3 séries de 8x 30s@PMA/30s@50% de PMA. La puissance est représentée en jaune, la fréquence cardiaque en rouge, la vitesse en bleue, la cadence en vert.
On peut remarquer que la fréquence cardiaque dérive bien de répétitions en répétitions et de séries en séries (elle passe de 160 puls/min, lors du début d’exercice, à 188 puls/min sur la fin) tandis que la puissance reste stabilisée autour de 360 watts durant tout l’exercice.
Si le coureur avait dû réguler l’intensité de son effort uniquement en faisant référence à sa fréquence cardiaque, il serait parti trop vite pour rapidement atteindre 180 puls/min, mais n’aurait de toute façon pas pu atteindre sa FC max sur une durée si courte. L’intensité adoptée aurait été bien supérieure à 360 watts et il aurait sans doute ensuite faibli, du fait de s’être mis « dans le rouge » dès le départ. Il aurait travaillé en anaérobie lactique I6 plutôt que la puissance maximale aérobie I5 recherchée ici.